Mais où va-t-il donc chercher tout ça ? Ah la question de l’inspiration ! Il est l’usage de croire qu’elle tombe du ciel, transmise directement du doigt du Créateur aux doigts du créatif, et que ce dernier marque d’une empreinte graphique la fameuse page blanche. Ça, c’est le mythe artistico-romantique ! La réalité est beaucoup plus prosaïque. J’aimerais vous montrer comment je cultive l’inspiration, comment je l’entretiens et comment je la déniche dans les moindres recoins.
La culture de la culture
Lorsque je suis en quête d’idées pour un projet, la culture générale me rend bien des services. Imaginez un instant les possibilités d’inspiration que l’on trouve dans les fables de la Fontaine, dans les motifs des tapis persans ou dans les hiéroglyphes égyptiens ? Imaginez que vous connaissiez tout de l’histoire de la bicyclette, de l’art maasaï, de la mythologie grecque, de la vie secrète des canards sauvages au bord de la Meuse… ? Bref, pas la peine de vous faire un dessin, il faut cultiver sa culture générale. Ceux qui me connaissent savent que je pose énormément de questions car j’ai envie de tout savoir. Et quand, sous la douche, une idée semble me tomber dessus par hasard, je sais que le Grand Inspirateur n’y est pour rien. Je sais d’où me vient chaque idée. La culture générale est une source intarissable dans lequel on peut s'abreuver d'idées sans fin.
Copies qu’on forme
Si on en croit Picasso « les bons artistes copient, les grands artistes volent ». Partant de là, on peut se croire autoriser au moins à copier les artistes que l’on admire. Pour ma part, je ne m’en prive pas. Mes carnets de croquis regorgent de copies. Je copie les peintres, les photographes, les détails, les personnages, les compositions de leurs images. Je copie même les illustrateurs dont j’admire le travail – que cela reste entre nous, hein ! - Il s’agit pour moi de comprendre comment l’artiste s’est approprié graphiquement son sujet. Absorber et digérer, tout passer par le filtre de ma propre sensibilité et récupérer la substantifique moelle. Mais attention, il y a un risque à copier. En effet, s’approprier un sujet pour nourrir son inspiration c’est très bien, mais se détacher de l’œuvre copiée presque immédiatement reste primordial, car copier n’est pas plagier.
Voyons voir
La plupart d’entre nous voient, mais il faut regarder pour trouver l’inspiration. Regarder attentivement, le monde qui nous entoure s’avère être un exercice plus difficile que l’on ne le pense. Quand j’ai commencé ce métier, je dépensais beaucoup d’énergie à concentrer mon attention visuelle sur mon environnement. Je voulais en quelque sorte forcer mon regard à scanner le monde. La belle affaire ! C’est un euphémisme de dire que c’était épuisant. Le temps passant, c’est devenu une sorte d’automatisme. Aujourd’hui, je sais que, s’il y a le moindre détail dont je peux tirer profit, mon œil saura le détecter. Une couleur, une typo, une texture. Je suis devenu un véritable chasseur d’inspiration. Il m’arrive très souvent de la trouver là où je m’y attends le moins. De n’importe quoi peut jaillir une idée. J’en veux pour preuve cette idée qui m’est venue pour illustrer un sujet sur le « prélèvement à la source », alors que j’observais un enchevêtrement de tuyaux.
Le déjà vu
Chercher l’inspiration dans son propre domaine artistique - en l’occurrence l’illustration - risque de nous pousser à refaire ce qui existe déjà. Je note que les productions de certains.es de mes consœurs et confrères se ressemblent parfois. L’illustration qui inspire l’illustration finit par assécher les sols fertiles de la créativité. Or, le monde est un champ d’inspiration. Le parcourir et sortir de son domaine artistique me semble être une bonne idée, car c’est là que je déniche les plus belles perles. Quand l’illustrateur cherche l’inspiration, qu’il aille voir ce qui se passe du côté de la photo, de la peinture rupestre, de la céramique, ou que sais-je encore. Cela pourrait s’avérer bien plus fructueux que de lorgner sur les illustrations d’un confrère talentueux.
Si, penché.e sur votre page blanche, vous attendez d’être foudroyé.e par un éclair de génie, j’ai bien peur que vous attendiez Godot. L’inspiration, on ne l’attend pas, elle ne nous tombe pas dessus. L'inspiration, on la cherche, on la trouve, on lui tord le cou et on se l’accapare.