Même s’ils ne se l’avouent pas franchement, les illustrateurs espèrent tous, à un moment ou à un autre, monter les marches du succès et entrer par la Grande Porte de l’illustration sous les flash et les applaudissements. Ça c’est le fantasme nourri par l’égo hypertrophié de l’artiste – fantasme exacerbé par les réseaux sociaux, au passage. Dans le monde réel, on a vite fait de comprendre que ça se bouscule sérieusement au portillon. Il y a beaucoup plus de prétendants devant la Grande Porte, que de monde dans le public pour les acclamations. Pire, les candidats sont tous aussi légitimes les uns que les autres de par la qualité de leurs productions graphiques. Dans ces conditions, comment trouver le moyen de rentrer dans ce beau palais qu’est l’illustration et d’y trouver sa place ? Je vais vous le dire, mais que ça reste entre nous, hein ! au risque que tout le monde cherche à passer par là !
Le premier réflexe, et le bon, est bien évidemment de suivre la voie royale, celle qui mène directement devant la Grande Porte, histoire de prendre la température et voir si, par un coup du sort, notre génie graphique ne nous permettrait pas de passer devant tout le monde. On ne sait jamais, c’est très rare, mais ça peut arriver, même aux meilleurs. Un petit conseil : mieux vaut ne pas trop compter là-dessus quand même.
Notons au passage que la Grande Porte de l’illustration n’est pas la même pour tout le monde, même si chacun s’accorde à reconnaître le prestige de la franchir. Pour certains, elle s’apparente à la réalisation de la couverture de tel magazine, pour d’autre, le fait d’être édité chez tel éditeur, ou encore de réaliser une création pour telle marque commerciale. Peu importe, de toute façon, la foule se bouscule devant et tout le monde ne pourra pas entrer.
Dans la majorité des cas, rentrer par-là s’avère extrêmement difficile. Insister un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ? Pourquoi pas, mais il faut s’armer de patience, et le découragement peut venir à bout des plus déterminés. Là encore, il est souhaitable de se battre quand même un peu, suffisamment pour comprendre que rien ne vient par l’opération du Saint-Esprit – j’en demande pardon aux croyants. A trop se battre et ne pas avancer d’un iota, le candidat peut rester sur le carreau et pire que tout, l’irrémédiable peut advenir, l’horreur absolue : l’aigreur.
J’ai, personnellement, perdu beaucoup trop de temps à tenter d’entrer par la Grande Porte. Jusqu’au jour où, je me suis rendu compte par hasard, qu’il existait une autre porte, beaucoup plus petite celle-là et moins prestigieuse - a priori - la porte de derrière en quelque sorte. Et c’est par là, qu’un beau matin, je me suis faufilé tranquillement, sans faire de bruit, sans flash et sans applaudissements.
La petite porte pour moi c’est celle par où passe l’illustration du vélo, ou encore celle de mes croquis d’Istanbul ou de la Crète. C’est celle par où j’ai pris plaisir à entrer car je ne me suis pas battu à en perdre le courage. Sachez qu’il existe autant de portes que de sujets qui vous passionnent. Sachez encore qu’au royaume de la bicyclette, les illustrateurs sont rois. Soyez l’illustrateur.trice de la bicyclette, de la trompette, de l’opérette ou que sais-je encore, de la galipette. Car, c’est parce que vous saurez transmettre à travers vos créations la passion qui vous anime, que la petite porte s’ouvrira et que vous pourrez rentrer, sans forcer, dans le palais de l’illustration.