S’il y a un sujet qui ne laisse pas indifférent les illustrateurs, c’est bien celui de l’agent artistique. Le sujet génère beaucoup de phantasmes et de questionnements : « Est-ce que ça vaut le coup d’avoir un agent ? Comment fait-on pour avoir un agent ? », et puis pour les déçus « il ne me trouve pas de boulot, il ne promeut pas assez mon book ! »… etc. Vous voyez le topo ! Quand j’en parle avec certains illustrateurs, ça pique un peu au sujet des agents. Pour ma part, ça ne pique pas. Ah oui j’oubliais de vous dire ! Pour avoir été représenté à trois reprises par un agent d’illustrateurs, mon avis vaut peut-être le coup, même si le mieux c’est encore de se faire sa propre opinion. Mais d’abord, un petit retour d’expérience…
La toute première fois… Mon premier agent, on peut dire que ça s’est fait un peu tout seul, comme on dit. A l’époque il y avait un éditeur de BD qui se lançait comme agent artistique pour les auteurs qui souhaitaient « faire de la commande ». Je vous parle d’un temps où répondre à des commandes pour la communication ou la publicité pour un auteur de BD, c’était un peu comme pactiser avec le Diable. J’ai pactisé ! Mais j’ai aussi développé en parallèle mon propre carnet d’adresses. Mes revenus provenant de cet agent n’ont jamais représenté plus de 5% de leur totalité. Ces 5%, je les ai toujours considérés comme du « toujours ça de pris ». Après quelques années de collaboration plus ou moins régulières, l’impression de ne pas évoluer et la tentation de voir si l’herbe était plus verte ailleurs, j’ai quitté cet agent.
Paillettes et clopinettes ! Avec ce deuxième agent, j’avoue avoir été attiré par la lumière, même si c’est lui qui est venu me chercher. Dans le milieu des illustrateurs et des agences, il jouissait d’une belle réputation et certains de ses illustrateurs ont réalisé de belles choses grâce à lui. Suivant ses conseils, j’ai même changé de pseudo quelques temps histoire de brouiller les pistes. J’étais devenu Alex Formika ! Ça sonnait bien, mais ça n’a pas fait long feu ! Au bout d’à peine un an et quelques déceptions dont je tairai les raisons, j’ai quitté la scène, le costard à paillettes et je suis rentré chez moi avec mon pseudo en plastique sous le bras.
Jamais deux sans trois ! C’était il y a deux ans. A ce moment-là de ma carrière, je ne voulais plus être représenté, tout simplement parce que je m’en sortais bien tout seul. J’ai d’abord refusé de travailler avec cet agent. Puis l’année dernière, nous avons finalement décidé de monter un book et de faire un bout de chemin ensemble. Qu’est-ce qui m’a décidé ? Après une première rencontre j’ai compris que nous partageons le même point de vue sur la relation agent-illustrateur et nous parlons le même langage. J’apprécie aussi notre relation basée sur la confiance et le respect de nos savoir-faire respectifs. Et enfin je place l’Expérience avant tout. Attendons de voir où cela me mènera.
Bon finalement, j’en pense quoi ? Toutes ces expériences c’est bien joli mais j’en tire quoi ? Là, je m’adresse à toi, illustrateur qui me demande souvent mon avis sur la question :
Un agent ce n’est pas ta mère, ni ton psy. Il a d’autres chats à fouetter – par exemple, te trouver du boulot - que de te remontrer le moral parce que tu doutes artistiquement ou bien parce que tu n’as pas de boulot.
Un agent est un commercial au sens noble du terme. S’il t’a pris dans son book, c’est parce qu’il croit en toi et qu’il espère vendre ton travail. Son intérêt c’est que tu marches. Il va donc tout faire pour promouvoir ton book. Aucun agent sérieux ne prend dans son équipe un illustrateur pour ne pas s’en occuper. Quel serait son intérêt sachant que de représenter un illustrateur lui coûte du temps et de l’argent ?
Un agent n’est pas responsable de ton « talent ». J’entends ici par « talent » le fait d’être ou non en phase avec les tendances du moment, indépendamment de la qualité du travail de chacun. L’agent peut avoir du flair en choisissant de te représenter, mais il peut aussi se tromper et il se peut que tes illustrations, pour une raison ou une autre, ne rencontrent pas le succès escompté. Un agent n’a pas le pouvoir de changer les tendances pour qu’elles correspondent à ton style.
Un agent connait bien le marché. Il connait les bonnes personnes, les prix, les droits de reproduction. Tu bénéficies de sa réputation et c’est un gage de qualité auprès de tes clients que d’être représenté par un agent. C’est signe que tu es un pro. Sans compter qu’il y a des agences que tu auras du mal à approcher, sans avoir d’agent.
Un agent peut te donner quelques bons conseils. Il est très difficile d’avoir un retour objectif sur son travail et d’avoir assez de recul pour juger soi-même de ce que l’on produit. Si tu as envie de les recevoir, les conseils d’un agent seront toujours bons à prendre. Qui peut se permettre de te dire ce qui va et ce qui ne va pas dans ton boulot, à part un agent ?
Être représenté par un agent peut faire peur. Certains clients potentiels n’oseront peut-être pas te contacter car ils estimeront, à tort, que tu seras trop cher ou que tu ne seras pas assez disponible pour leur projet. C’est le seul point négatif à mon sens.
Pour toutes ces raisons, un agent c’est bien plus que le pourcentage qu’il te rapporte. Je te l’accorde, il y a des agents qui ne font pas le job et des illustrateurs qui atteignent des sommets sans agent. J’aimerais, en guise de conclusion, te dire que les crayons sont entre tes mains, et non pas celles de ton agent. Je te conseille donc d’être toi-même quand tu illustres, de le faire avec passion et si par chance, ton univers rencontre le public, un agent te fera monter la Chantilly et tu pourras déboucher le champagne.