Je vous le dis tout de suite, il y a un petit décalage entre le titre de cet article et les propos qui vont suivre. En réalité, je souhaite parler des 7 sentiments désagréables que peut ressentir un freelance dans l’exercice de son métier. Cette petite mise au point faite, je précise que je ne m’intéresse ici qu’aux aspects désagréables du métier, car ce sont eux qui demandent à être identifiés pour mieux être appréhendés. Quant aux aspects positifs - il y en a beaucoup et c’est même pour eux que je fais ce métier - j’en parlerai une autre fois. Entrons directement dans le vif (pénible) du sujet.
L’envie
Si il y a un sentiment peu avouable dans ce métier, c’est bien l’envie. Pour le coup c’est un des vrais 7 péchés. Notre envie naît du « succès » des autres que l’on peut observer à loisir sur les réseaux. Depuis l’avènement d’Instagram, ce sentiment doit avoisiner le 10 sur l’échelle du ressentiment. Si l’envie est désagréable, elle peut aussi s’accompagner d’émotions positives, telle que la joie. Par exemple, devant le succès d’un collègue dont on apprécie le travail, on peut éprouver de la joie pour lui et en même temps entendre cette petite voix pénible qui nous susurre à l’oreille « pourquoiiii pas moiiii !!! » Que l’illustrateur qui n’éprouve pas régulièrement ce sentiment me le fasse savoir ici et maintenant... Alors ? Il n’y a personne ?
La solitude
La solitude nous accompagne que l’on ne le veuille ou non. Il y a celle qui est choisie - besoin d’être seul pour se concentrer sur un travail – et celle qui est subie - besoin de voir du monde alors que nous sommes rivés à notre table de travail. Notons que moins nous allons vers les autres, plus il est difficile d’aller vers eux. Et puis, il y a surtout ces moments particuliers où le freelance fait face un choix professionnel délicat ; la solitude se fait alors une joie de l’accompagner lourdement, comme un gros boulet qu’elle est, et nul ne peut la trimballer à sa place.
Le doute
C’est terrible comme le doute paralyse. Accompagné d’un bon syndrome de l’imposteur, il peut même abattre en moins de deux, un éléphant de l’illustration. Une remarque mal digérée d’un client, un projet qui tombe à l’eau, la fréquentation trop assidue des réseaux sociaux, une commande qui tourne au vinaigre, un peu de fatigue… et hop ! le doute s’installe confortablement dans le meilleur fauteuil de notre créativité. Il faut connaitre son fonctionnement pour comprendre qu’il finit toujours par se dissiper tout seul pour laisser place à une motivation nouvelle et sans faille, jusqu’à la fois suivante. Chacun son rythme, mais deux à trois fois par an, c’est déjà pas mal pour un seul homme – ou femme, il n’y a pas de raison.
L’orgueil
Disons-le franchement, nous les créatifs, nous avons un égo assez… gros. ÉNORME, en fait ! Même si les périodes de doute sur nos capacités nous pourrissent la vie, au fond de notre esprit, il y a cette certitude que nos créations frôlent le Génie Absolu, mais que… personne ne s’en aperçoit. On ne comprend d’ailleurs pas non plus, comment tel créatif a réussi à dégoter telle commande, avec si peu de talent. Sur le marché de l’égo, il y a beaucoup de monde et chacun trouvera sa place, à l’ombre du talent d’un autre. De temps en temps, la réalité se charge heureusement de nous le rappeler.
L’impatience
C’est bien connu, c’est l’effet iceberg dont on ne voit que la partie visible. Nous espérons atteindre immédiatement ce qui en réalité demande du temps. Le « tout, tout de suite » est un véritable fléau de notre époque. L’accélération de nos sociétés et l’utilisation effrénée des nouvelles technologies exacerbent ce sentiment. Quand les fourmis de l’impatience nous chatouillent l’esprit, il est bon de se rappeler que nous n’avons pas appris à parler en deux jours, ni appris à lire en quatre.
La vulnérabilité
Ce sentiment d’être « à poil » au moment où l’illustrateur livre son travail au client. La blessure à l’âme quand ce même travail est critiqué, et où les mots sont pris pour soi et non pas pour le travail en question. Un raccourci rapide entre le « ça ne va pas, il faut retravailler » du client et le « je suis un gros nul » entériné par notre cerveau. De ce point de vue, on pourrait presque voir le monde de l’illustration comme une grande plage de nudistes pourvus seulement de tablettes graphiques en guise de cache-âme.
La tentation
La tentation de pomper ce qui existe déjà, de reprendre à son compte les couleurs ou les idées d’un autre. Parfois consciemment, parfois inconsciemment. La tentation nous tend la main et on a vite fait de la saisir. Comment trouver le juste équilibre entre inspiration et plagiat, alors que tout créatif qui se respecte se doit de humer l’air du temps et de rester en éveil sur ce qui l’entoure ? Je vous laisse répondre à cette question. Ce qui est sûr c’est que l’on ne trompe personne d’autre que soi-même quand on penche du côté de la tentation.
Que les choses soient claires ; nulle intention de ma part de donner des leçons de morale ou encore des solutions pour s’affranchir de ces sentiments pénibles et inéluctables dans cette profession. A chacun de trouver ses petits arrangements afin d’en atténuer les effets. Mais déjà d’en connaitre la liste constitue un premier pas vers le Salut.