CECI N'EST PAS UNE ILLUSTRATION
Chaque matin je passe un peu de temps à faire de la veille sur internet, histoire de voir si je suis encore dans le coup. J'observe les tendances en illustration, jette un oeil aux dernières réalisations des copains et regarde ce qu'il se passe du côté des agents. Chaque matin, je vois donc défiler un bon nombre d’images créées par des illustrateurs. Certaines sont très réussies, mais parmi elles, certaines ne sont pas des illustrations. Elles ne sont "que" de belles images, et c’est très bien comme ça.
J'ai toujours eu un peu tendance à intellectualiser mon métier. On ne va pas sortir le dico, mais comme son nom l’indique, l’illustration illustre, un propos, une idée, un texte. Et quand un client me commande une illustration, concrètement, il me demande de répondre à un certain nombre de contraintes.
D’abord il y a les contraintes de formes : couleurs, format, ambiance, style… etc. Puis vient les contraintes de fond, ce qu’il faut montrer ou ne pas montrer. Trouver « La » bonne idée, celle que tout le monde va comprendre au premier coup d’œil. Attention, l’illustration ne doit pas être redondante par rapport au texte. Il faut faire preuve d’imagination, être astucieux, car l’illustration se doit d’être la porte d’entrée du texte et parfois aller au-delà même du propos. Et puis bien sûr, ne pas choquer (souvent), ou le contraire (moins souvent), ne pas stigmatiser, être représentatif… etc. On marche sur des œufs dans cet exercice-là ! Voici ce que ça donne sur un exemple pour un magazine...
Et je ne vous parle pas des contraintes que je m'impose tout seul, comme un grand. Car entre nous, pour chaque illustration, j’ai pour ambition secrète de réaliser le chef-d’œuvre graphique absolu dont on parlera encore dans cent ans (arrêtez de rire, svp !) Il est bon de rêver dans ce métier, et de garder l'espoir aussi !
Bref, vous l’avez compris, il y a des contraintes, beaucoup de contraintes, ÉNORMÉMENT de contraintes, des contraintes qui peuvent vous paralyser et engluer votre créativité. Inutile de vous dire que je suis très souvent déçu quand je livre une illustration. Au final, je n’ai pas réussi à plier ma créativité aux formes des contraintes imposées. Mais je ne me décourage pas, à chaque projet je repars la fleur au fusil, sûr de gagner du terrain sur le front de la créativité graphique. J’y vais même en chantant pour tout dire. Certains soirs de grand doute, il m’arrive alors, en guise de défouloir, moi aussi de créer une image libre de contraintes, juste pour le plaisir de composer une belle image. Je te colle une couleur par-ci, une texture par-là, comme ça, pour rien, juste pour le plaisir graphique. Parfois je te glisse même une idée. Mais surtout, ZÉRO contrainte, c’est un peu ma cour de récré. Et là pour le coup, je respire, je suis satisfait. Facile !
Mon avis est qu’une illustration peut parfois être une belle image, mais qu’une belle image ne fait pas forcément une illustration. Les bons illustrateurs, les Grands illustrateurs, sont ceux qui arrivent, à coup sûr, à faire rentrer toute leur créativité dans le petit interstice laissé par les contraintes, autrement dit à faire rentrer un éléphant dans un trou de souris. C’est un peu ce que je tente de faire modestement chaque jour et c’est ce que j’aime dans ce métier.
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